Carnet de voyage : Ses aspirations personnelles et profondes amènent Lionel à s'exporter à l'étranger afin de faire découvrir le Shiatsu. Il va à la rencontre des gens et au-delà des barrières linguistiques et culturelles, le Shiatsu devient le langage commun.

Mongolie

« Y-a-t-il si loin de l'imaginaire à la réalité ? Je me suis posé cette question lorsque j'ai entendu la première fois Lionel Bitan me parler de son désir de porter hors de chez lui la pratique du Shiatsu. Je dis pratique mais ce qu'il exprimait était de toute évidence son désir de rencontre, et plus encore, ce que j'ai découvert depuis être l'essence même du shiatsu : l'apaisement du corps et de l'esprit.

Le peuple Mongol est un peuple de nomades dur à la tâche, dont le corps est l'autel d'une spiritualité omniprésente en même temps que l'outil d'un travail forcené. La nature y est rude, exigeante, elle demande beaucoup mais offre en retour mille fois plus.

Vivant comme chacun sait dans des yourtes cernées de chevaux, de yacks, de chèvres, hommes et femmes œuvrent dès l'aube, semblant mêler aux cavalcades incessantes et confection d'une nourriture essentiellement à base de lait, un souffle puissant unissant chaque mouvement à la terre comme au ciel eux aussi en perpétuel mouvement. 

Autant dire ici que travail et loisir vont de pair et qu'il peut sembler que s'allonger sur une natte ou dans la steppe afin de passivement se laisser masser une heure durant, est difficilement concevable. Et pourtant ! 

Lorsque nous sommes arrivés chez la première famille, présentation faite, fromage et Suutei tsai partagés, je me suis demandé comment Lionel allait pouvoir présenter et proposer à chacun de profiter de ses talents. Heureusement les bons esprits de la steppe veillaient. Notre guide, éprouvée par le long et chaotique voyage fit part de son désir de bénéficier d'une séance. Il aura suffi dès lors de ce premier exemple pour libérer femmes et hommes. Très vite chacun trouva les gestes simples pour exprimer ses maux, tous portaient stigmates et tensions au plus profond des chairs. Les histoires individuelles étaient inscrites à même la peau. L'apaisement des corps et des esprits était le bienvenu. Je comprenais maintenant pourquoi Lionel me citait souvent cette phrase de son ami Stéphane Vien : « Le Shiatsu me rend plus humain !»

La concentration et la joie d'une rencontre aussi singulière rapprochaient les esprits en inspirant chacun. Le groupe de marcheurs écrivains qui partageait l'aventure n'était pas étranger mais au contraire curieux de lier à l'immensité des lieux une aussi paisible expérience, s'abandonna aux mains expertes de Lionel. 

Le Shiatsu est sans frontière. Ainsi se créa une proximité entre les uns et les autres dont l'écart tant culturel que linguistique fut tempéré par la pratique circonstanciée de cet art.

L'intuition de Lionel était donc juste et s'avéra pertinente tout au long de notre périple dans l'immensité Mongole."

Jean-Louis Escarret

Aphanese  


Lionel BITAN est un enseignant de Shiatsu de la région parisienne. Grand voyageur aux quatre coins du globe, il emporte partout avec lui son Shiatsu comme moyen d'échange avec les gens. Thaïlande, Inde (ajouter les autres pays), partout ses mains se mettent en action, d'autant plus que ses yeux se sont éteints progressivement. Mais c'est en Mongolie que son expérience avec les nomades des steppes va prendre des proportions auxquelles il ne s'attendait pas.

Ivan BEL : Bonjour Lionel, peux-tu me raconter comment cette aventure en Mongolie a commencé ?

Lionel BITAN : En 2017 un ami m'avait proposé d'aller faire un stage en Mongolie : une retraite littéraire. L'idée était de voyager et rencontrer des gens tout en écrivant chaque jour sur un thème. J'ai trouvé l'idée sympa parce que j'aime voyager, mais moi je lui ai dit que je préférais faire du Shiatsu. Si cela ne l'ennuyait pas, je voudrais essayer avec les nomades que nous croiserions. Finalement, nous sommes partis en 2018 et après un long voyage, nous voilà à Oulan-Bator. On embarque dans une camionnette qui datait de l'ère soviétique avec un guide. On a vite fait de se perdre dans un pays qui fait 2,5 fois la France et seulement 3 millions d'habitants, dont la moitié à la capitale. Autant dire que l'idée qu'on a de vastes étendues inhabitées, ce n'est pas un fantasme. Ça existe vraiment !

On roulait des centaines de kilomètres, car entre deux yourtes il peut y avoir facilement 200 Km. Les familles nomades vivent complètement en autarcie avec leurs bêtes. C'est impressionnant. Une fois installé avec une famille, la journée on marchait longuement pendant des heures et on rentrait fourbu le soir. Un de membres de notre groupe, me demanda un petit Shiatsu en rentrant après la marche, ce que je fis avec plaisir. Le guide profita de l'occasion pour en demander un aussi. Comme c'était un local, la famille a observé avec attention. Il faut dire que l'on ne peut pas s'isoler dans une yourte. Tout se fait tout le temps devant tout le monde.

Une dame mongole de 35-40 ans m'a demandé en anglais « are you doctor » ? Alors moi et l'anglais on est fâché. Je voulais expliquer que non, je n'étais pas docteur, mais ne trouvant pas les mots j'ai dit que « yes, I'm doctor ». Et me voilà parti pour une autre séance.

Ivan BEL : Comme quoi on n'a pas vraiment besoin des mots lorsqu'on connaît le Shiatsu. Est-ce que cela leur a plu aux nomades tes séances ?

Lionel BITAN : Tous les deux jours, on changeait de lieu, on roulait quelques centaines de kilomètres à travers la steppe pour arriver dans une nouvelle famille. Mais très vite les nomades ont commencé à se téléphoner pour annoncer l'arrivée d'un mystérieux « doctor » et à l'arrivée il y avait une troupe de personnes qui voulaient un Shiatsu. Toute la famille d'accueil voulait recevoir du Shiatsu, et parfois les voisins aussi. Alors une yourte ce n'est pas très grand. Il y a les meubles et les lits tout en rond contre la toile et au centre le poêle, indispensable pour survivre au froid. Il fallait que je me débrouille pour installer les gens entre le poêle et le lit, par terre sur un tapis. On est un peu tassé, mais c'était formidable.

Ivan BEL : tu as dû rencontrer de sacrés personnages, parce que ces gens-là sont face à une nature rude, voire hostile.

Lionel BITAN : Les nomades vivent complètement en autonomie. Ce qui veut dire qu'ils ne se relâchent presque jamais, car il y a toujours à faire avec les animaux, la nourriture, le feu,